Hausse du coût du blé, une opportunité d'éclosion pour les farines locales
Le début de cette année 2022 est marqué par une inflation mondiale du cours du blé. Une situation due à la rareté de la matière première, et qui se répercute sur le prix de la farine, et donc du pain dans beaucoup de pays déjà. Si pour l’instant les prix de la farine et du pain sont inchangés au Cameroun, une solution évidente se présente à tous : l’utilisation des farines locales comme substitut du blé. Ce serait un moyen de rebooster les industries meunières et de mettre en valeur la production locale de matières premières. Mais cette solution est-elle aussi évidente qu’elle le parait ?
La hausse des prix du blé crée beaucoup d’interrogations parce que c’est l’une des principales matières premières utilisée dans l’alimentation humaine. Le pain, et les pâtes alimentaires par exemple, sont très consommés de par le monde, et font partie des produits les plus bons marchés. Une augmentation du prix de la farine de blé signifie donc l’augmentation du prix de ces produits de première nécessité. C’est d’ailleurs déjà le cas en Martinique par exemple, où la baguette de pain coûte désormais entre 1€10 et 1€30, en fonction du coût de revient de l’artisan. Soit 20 centimes d’euros de plus qu’en décembre 2021.
Cette situation pend également au nez du Cameroun si rien n’est fait pour amortir le coût actuel du sac de farine qui pourrait passer à 225OO FCFA si rien n’est fait par le gouvernement. Ce dernier poursuit les concertations avec le Groupement des industries meunières du Cameroun (GMIC), afin de trouver une solution autre que celle de l’augmentation des prix.
Les farines locales, une solution salutaire
Du point de vue de nombreux observateurs, la solution à cette crise du blé est toute trouvée. Il s’agit d’inciter les meuniers à se tourner vers les produits locaux tels que le riz, le maïs, la patate, le manioc, le mil, la banane-plantain. En effet, ces produits ont été testés par des artisans locaux, et semblent présenter toutes les qualités nécessaires à la fabrication du pain et des pâtisseries. “Toutes ces farines sont des substituts réels à la farine de blé. Elles ont des avantages que le blé n’a pas, notamment l’absence de gluten. Il y a des gens qui sont intolérants au gluten sans le savoir. Les farines locales peuvent être consommée par tout le monde. Les pâtissiers les boulangers, et les biscuitiers peuvent les utiliser” affirme Clarisse Ngo Mbem, promotrice de Fortitude Shop réseau de distribution des produits Made in Cameroon et Présidente de l’association du même nom, qui met en avant les artisans et leurs produits, notamment les fabricants de farines locales.

Selon Clarisse Ngo Mbem, nous pouvons aisément fabriquer du pain avec la patate, le riz, la banane plantain et la farine de manioc, car ce sont les produits qui ont déjà été testés et qui ont produit de bons résultats. D’ailleurs, un jeune homme a remporté le « Orijinal Challenge », un concours visant à célébrer le Made in Cameroon. Il s’appelle Ernest Claude Ewoty Ndjie, promoteur de la marque de farine Enec, faite à base d’épluchures de manioc. Il a remporté un financement de 5 millions de FCFA offerts par la société brassicole Diageo pour lancer son entreprise. Pour ce qui est des pâtisseries, Clarisse Ngo Mbem affirme que les farines tirés de céréales (riz, maïs, mil) sont de parfaits substituts au blé.
Engager une migration effective vers les farines locales au Cameroun
Les procédés de fabrications sont connus, et le marché est très grand. Mais la production locale est-elle suffisante ? Les dispositifs industriels sont-ils suffisants ? Tels sont les défis de la migration vers les farines locales pour Clarisse Ngo Mbem. “Il faut une réelle communication sur le sujet. Il faudrait amener les industriels meuniers à pouvoir intégrer les farines locales dans le processus d’industrialisation parce que pour le moment la valorisation de ces farines locales est encore artisanale, et donc ne peut pas satisfaire les besoins nationaux. On devrait mettre sur pied des moyens incitatifs pour encourager les principaux acteurs du secteurs à investir dans les bassins de production agricoles du pays et augmenter la production des produits de base des farines. Il faudrait qu’on facilite l’importation des équipements industriels destinés à la transformation des tubercules et céréales, et la valorisation des résidus de transformation. Exonérer les farines locales des taxes applicables aux farines importées. L’État doit accompagner tous les acteurs de la chaine de valeur( des semenciers aux distributeurs) afin que sur le court et le moyen terme la consommation des farines locales puisse être démystifiée. ” déclare la promotrice de Fortitude Shop.
De façon informelle cette actrice de la distribution des produits Made in Cameroun participe à son niveau à la valorisation des farines locales “en fédérant tous les acteurs de la chaine de valeur, pour que la production soit de bonne qualité et en plus grandes quantités”. Depuis trois ans, son association et elle sont engagés dans la valorisation des produits de grande consommation locaux. Ils organisent des formations pour inciter les jeunes, les femmes et les personnes qui sont en quête de revenus, à se lancer dans les activités génératrices de revenus qui nécessitent un faible taux d’investissement. Et si elle se dit peu satisfaite du soutien que l’État apporte à la filière, elle loue tout de même les efforts qui sont fournis sur le terrain pour la promotion du Made in Cameroun.
Rappellons que la Russie a longtemps été le plus gros exportateur de blé au Cameroun. A cause du Covid-19, les mauvaises récoltes et les changements climatiques , le pays ne peut plus assurer l’approvisionnement en blé. Le Cameroun serait donc en tractation avec une société turque qui promet d’assurer une livraison de 600 mille tonnes de blé au Cameroun à un prix plus bas que celui pratiqué avec son homologue russe. En attendant qu’un entente soit conclue, les meuniers, les boulangers et les consommateurs sont sous tension, car en cas d’échec, les prix de la farine de blé devront augmenter et par ricochet, ceux de tous les produits de boulangerie.