Le secteur agroalimentaire se prépare à des carences en matière d’exportation de la part de la Russie et de l’Ukraine

Le secteur agroalimentaire se prépare à des carences en matière d'exportation de la part de la Russie et de l'Ukraine

Le conflit armé qui oppose la Russie à l’Ukraine depuis quelques semaines, affecte fortement l’économie européenne, et plus largement l’économie mondiale. Les secteurs les plus touchés sont le secteur énergétique (pétrole, gaz), le secteur minier, et le secteur alimentaire. Le conflit  a déjà déclenché des conséquences mondiales importantes pour l’industrie alimentaire. S’adressant à FoodIngredientsFirst, des représentants du secteur agroalimentaire international partagent leurs prévisions quant aux répercussions croissantes du conflit, renforcées par de nouveaux rapports sur les avancées de la Russie. 

Rédigé par Benjamin Ferrer pour FoodIngredientsFirst

Compte tenu de la proximité et des volumes importants de nos partenaires commerciaux en Russie et en Ukraine, et de l’exclusion possible de la Russie du marché, le problème majeur est que nous ne serons pas en mesure de remplacer [les déficits d’exportations de la Russie et de l’Ukraine] un à un “, remarque Pekka Pesonen, secrétaire général de l’association agricole européenne Copa-Cogeca.

Nous n’avons pas d’autres partenaires commerciaux qui seraient aussi proches et disponibles avec des volumes raisonnablement importants de la même taille que ces deux nations“, souligne-t-il.

Nous avons maintenant des raisons de penser qu’une coalition de nos partenaires commerciaux serait en mesure d’aider à compenser l’impact avec leurs volumes d’échanges. Nous perdons deux grands partenaires, mais nous les remplaçons par de multiples partenaires dans d’autres parties du monde.”

L’industrie se prépare à l’impact
Des sacs de légumineuses et de céréales saines.

L’Ukraine et la Russie sont toutes deux des exportateurs agricoles clés sur le marché mondial. L’Ukraine est le quatrième fournisseur alimentaire extérieur de l’UE et fournit à l’Union un quart de ses importations de céréales et d’huile végétale, dont près de la moitié de son maïs.

Dans le cas du blé, nous pensons que, dans une certaine mesure, il sera possible de s’approvisionner en Australie et en Amérique du Sud, ainsi qu’au Canada, qui fait déjà partie de notre accord commercial bilatéral“, explique M. Pesonen.

Les principaux négociants en céréales se préparent à la volatilité et au danger potentiels. Jackie Anderson, directrice des communications externes chez le géant agroalimentaire ADM, déclare à Food Ingredients First : “Nous surveillons activement la situation, et faisons continuellement de la sécurité de nos collègues notre priorité absolue, où que nous soyons.

Actuellement, nos installations en Ukraine ne sont pas en activité, suivant les protocoles de sécurité et les directives gouvernementales. ADM utilisera toute l’étendue de sa chaîne d’approvisionnement mondiale et intégrée pour répondre aux besoins de ses clients dans le monde entier, alors que nous gérons cette situation difficile.”

ADM emploie plus de 630 personnes en Ukraine et exploite une usine de broyage de graines oléagineuses à Chornomorsk, un terminal céréalier dans le port d’Odessa, cinq silos intérieurs, un silo fluvial et un bureau commercial à Kiev. D’autres acteurs clés de l’agroalimentaire, tels que le groupe Olam, continuent de suivre de près l’évolution de la situation en Ukraine et en Russie.

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Les consommateurs supportent le poids des sanctions
Source: Freepik

M. Pesonen signale qu’une panique importante s’est emparée des consommateurs russes, notamment en ce qui concerne l’argent liquide.

La semaine dernière, les États-Unis et les pays de l’UE ont annoncé l’expulsion de “certaines banques russes” du système bancaire SWIFT ( le réseau de haute sécurité qui relie des milliers d’institutions financières dans le monde ), s’engageant à “veiller collectivement à ce que cette guerre soit un échec stratégique.

La bourse a été fermée et le taux de change du rouble s’est effondré“, note-t-il. “Nous constatons des réactions négatives de la part des consommateurs et aussi de nos organisations commerciales qui ont annulé leurs expéditions parce qu’elles n’ont pas reçu suffisamment de crédit ou d’assurance pour couvrir leurs exportations.”

L’un de nos collègues portugais a déclaré qu’il avait dû annuler ses expéditions en raison de la situation actuelle. Nous pensons que la fermeture complète de SWIFT pour les Russes pourrait avoir de graves conséquences.”

M. Pesonen souligne que le Copa-Cogeca surveille actuellement la situation de près et assure le suivi de ces développements avec ses membres à travers la chaîne agroalimentaire européenne. “En fonction de la situation, nous demanderions l’activation de mesures de gestion du marché dans l’UE“, dit-il. 

Mais il est bon de souligner que pendant la crise du COVID-19, le secteur agricole (non seulement en Europe mais aussi au niveau international) a fait preuve d’une résilience remarquable. Nous sommes assez optimistes quant au fait que certains de ces déséquilibres pourraient être compensés par nos actions normales sur le marché et éventuellement avec l’implication des opérateurs du marché au niveau institutionnel.”

Solidarité publicitaire

Cette semaine, des consommateurs britanniques ont demandé aux supermarchés locaux d’exprimer leur solidarité avec l’Ukraine en supprimant l’orthographe de l’époque soviétique sur les paquets de poulet à la kiev.

Sur Twitter, les internautes ont souligné que “Kiev” est l’orthographe standardisée pour Kyiv sous le régime soviétique. Toutefois, la récente agression russe a contraint les Occidentaux à l’abandonner au profit de l’orthographe ukrainienne.

Les jeunes Ukrainiens considèrent aujourd’hui “Kiev” comme une relique de l’histoire soviétique.  Rappellons qu’en 2018, le gouvernement ukrainien a lancé une campagne #KyivNotKiev pour répondre à ce débat sémantique.

Ocado, Waitrose, Tesco, Sainsbury’s, Coop, Aldi, Lidl, Morrisons et Asda ont fait partie des supermarchés appelés à agir. Les chaînes d’épicerie n’ont pas encore publié de déclarations en réponse.

La situation est plutôt inquiétante sous tous les points de vue. Et si le 2 mars dernier, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté  une résolution qui “exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine“, pour l’instant rien n’annonce une fin prochaine des affrontements. Pour le moment, les coûts des produits alimentaires ne sont pas encore affectés par ce conflit.

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